
Prof: Je ne veux pas d’une vocation
Je fais le plus beau métier du monde.
Avec mes élèves, je ris avec mon cœur d’enfant, j’apprends avec eux avec curiosité sur la vie et les accompagne dans leurs découvertes, je choisis chaque jour d’être une meilleure personne et de faire les bons choix, d’écouter leur cœur, de leur offrir des activités électrisantes et ancrées dans leur développement, et j’offre de l’amour d’une source illimitée.
Le mot passion prend tout son sens, et s’épanouit de lui-même.
C’est ce qui se passe lorsque ma porte de classe est fermée.
Et quand la porte s’ouvre?
Quand je l’ouvre, arrive le système. Un système si brisé, qu’il égratigne et blesse les enseignants, abîme leur estime, leur âme, écorche leur intelligence, rabaisse leur expertise. Si on a besoin d’aide, on se jette dans le vide et on peut y laisser sa peau.
C’est un système qui n’offre pas de filet, qui ne sécurise ni ne protège, mais qui juge, qui exige des justifications pour ouvrir un dossier, demande plus de paperasse, met la corde au cou. Un système qui ne nourrit pas, mais laisse sur sa faim. Laisse dans la bouche un sentiment amer d’incompréhension, dans le cœur, un devoir de se battre et se défendre, dans le corps, un sentiment de tempête. Pour des choses trop importantes pour lâcher prise. On ne lâche pas des enfants.
C’est un système qui plutôt que de valoriser les profs, les éteint en leur offrant des choses qui ne répondent pas à leurs besoins. Qui font fi de leur réalité. On s’y méprend parfois avec du dégoût. Un système qui n’a pas été bâti autour des écoles, mais bien au-dessus. Plutôt que de nous relier, coupe le fil. De leur bureau, plutôt que sur le terrain. Une classe devient une île. On se bâtit des ponts entre collègues. Ils peuvent nous sauver de la noyade. Agir comme des phares.
Venez voir, ouvrez la porte. Si un journaliste ou un parent-bénévole peut en apprendre autant sur notre métier pendant quelques minutes, imaginez à quel point le système pourrait être réinventée. Les pieds dans les écoles, les oreilles attentives aux besoins des élèves, les yeux grands ouverts, les services ne seraient pas donnés au compte-goutte.

Pour prendre soin des élèves, il faut prendre soin des enseignants.
Ce sont eux qui les bercent, les entourent, et leur offrent la sécurité affective pour ouvrir leur cerveau cognitif. Avec ce système, il faut tripler son amour de soi. Ne compter que sur soi. Être fort tous les jours comme un soldat.
Visite notre section « Trucs pour lâcher prise » pour t’aider à penser à toi!
On compte souvent sur la positivité toxique des enseignants qui empoisonne lentement leur santé mentale. Sur leur dévouement et surtout, sur leur grand point faible, leur amour des enfants.
Je ne veux pas d’une vocation. Je veux un d’emploi valorisé et valorisant. Rémunéré pour ses heures, qui répond à nos besoins de base. Je veux vivre de ma passion. Ne coupez plus mes ailes. Offrez-moi des racines.
Je ne parle pas du COVID qui remplace le temps de planification en désinfection, tâche connexe qu’ils disent, et qui demande aux enseignants de travailler pendant la récréation (leur pause) lors de jours de pluie (imaginez-vous de 7h40-11h10 avec 19 enfants de 5 ans sans s’aérer l’esprit!!!). Ce virus qui vole mon super-pouvoir de respirer. On ne demande à personne de vivre notre réalité. Seulement de la considérer comme vraie.
Lis « Le syndrôme d’Émilie Bordeleau », un excellent billet sur La Presse!
En écrivant ces lignes, j’ai peur des représailles. De ce système qui prône le silence sous forme d’éthique professionnelle. Mais comme je l’enseigne à mes élèves, le courage se lève en présence de la peur.
Je me lève pour vous, les enfants, et pour le cœur vaillant des enseignants.
Écrit par: Madame Emilie
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